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hommes parlant entre eux ou excitant leurs chevaux.

Bientôt le tabor[1] des Cosaques s’étendit en une longue file, se dirigeant vers la plaine. Celui qui aurait voulu parcourir tout l’espace compris entre la tête et la queue du convoi aurait eu longtemps à courir. Dans la petite église en bois, le pope récitait la prière du départ ; il aspergea toute la foule d’eau bénite, et chacun, en passant, vint baiser la croix. Quand le tabor se mit en mouvement, et s’éloigna de la setch, tous les Cosaques se retournèrent :

— Adieu, notre mère, dirent-ils d’une commune voix, que Dieu te garde de tout malheur !

En traversant le faubourg, Tarass Boulba aperçut son juif Yankel qui avait eu le temps de s’établir sous une tente, et qui vendait des pierres à feu, des vis, de la poudre, toutes les choses utiles à la guerre, même du pain et des khalatchis[2].

« Voyez-vous ce diable de juif ? » pensa Tarass. Et, s’approchant de lui :

— Fou que tu es, lui dit-il, que fais-tu là ? Veux-tu donc qu’on te tue comme un moineau ?

Yankel, pour toute réponse, vint à sa rencontre, et faisant signe des deux mains, comme s’il avait à

  1. Camp mouvant, caravane armée.
  2. Pains de froment pur.