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s’écria quelqu’un de la foule. Jamais, maudits juifs. Au Dniepr, cette maudite canaille !

Ces mots servirent de signal. On empoigna les juifs, et on commença à les lancer dans le fleuve. Des cris plaintifs s’élevaient de tous côtés ; mais les farouches Zaporogues ne faisaient que rire en voyant les grêles jambes des juifs, chaussées de bas et de souliers, s’agiter dans les airs. Le pauvre orateur, qui avait attiré un si grand désastre sur les siens et sur lui-même, s’arracha de son caftan, par lequel on l’avait déjà saisi, en petite camisole étroite et de toutes couleurs, embrassa les pieds de Boulba, et se mit à le supplier d’une voix lamentable.

— Magnifique et sérénissime seigneur, j’ai connu votre frère, le défunt Doroch. C’était un vrai guerrier, la fleur de la chevalerie. Je lui ai prêté huit cents sequins pour se racheter des Turcs.

— Tu as connu mon frère ? lui dit Tarass.

— Je l’ai connu, devant Dieu. C’était un seigneur très généreux.

— Et comment te nomme-t-on ?

— Yankel.

— Bien, dit Tarass.

Puis, après avoir réfléchi :

— Il sera toujours temps de pendre le juif, dit-il aux Cosaques. Donnez-le-moi pour aujourd’hui.