Personne ne répondait. Peu à peu, néanmoins, on entendit dans la foule les propos suivants :
— La force cosaque périt à ne rien faire… Il n’y a pas de guerre, pas d’entreprise… Les anciens sont des fainéants ; ils ne voient plus, la graisse les aveugle. Non, il n’y a pas de justice au monde.
Les autres Cosaques écoutaient en silence, et ils finirent par répéter eux-mêmes :
— Effectivement, il n’y a pas du tout de justice au monde.
Les anciens paraissaient fort étonnés de pareils discours. Enfin le kochévoï s’avança, et dit :
— Me permettez-vous de parler, seigneurs Zaporogues ?
— Parle.
— Mon discours, seigneurs, sera fait en considération de ce que la plupart d’entre vous, et vous le savez sans doute mieux que moi, doivent tant d’argent aux juifs des cabarets et à leurs camarades, qu’aucun diable ne fait plus crédit. Puis, ensuite, mon discours sera fait en considération de ce qu’il y a parmi nous beaucoup de jeunes gens qui n’ont jamais vu la guerre de près, tandis qu’un jeune homme, vous le savez vous-mêmes, seigneurs, ne peut exister sans la guerre. Quel Zaporogue est-ce, s’il n’a jamais battu de païen ?
— Il parle bien, pensa Boulba.
— Ne croyez pas cependant, seigneurs, que je dise