Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/46

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’incendie des joncs secs qui croissent au bord des rivières et des lacs, et une longue rangée de cygnes allant au nord, frappés tout à coup d’une lueur enflammée, semblaient des lambeaux d’étoffes rouges volant à travers les airs.

Nos voyageurs continuaient leur route sans aventure. Nulle part, autour d’eux, ils ne voyaient un arbre ; c’était toujours la même steppe, libre, sauvage, infinie. Seulement, de temps à autre, dans un lointain profond, on distinguait la ligne bleuâtre des forêts qui bordent le Dniepr. Une seule fois, Tarass fit voir à ses fils un petit point noir qui s’agitait au loin :

— Voyez, mes enfants, dit-il, c’est un Tatar qui galope.

En s’approchant, ils virent au-dessus de l’herbe une petite tête garnie de moustaches, qui fixa sur eux ses yeux à la fente mince et allongée, flaira l’air comme un chien courant, et disparut avec la rapidité d’une gazelle, après s’être convaincu que les Cosaques étaient au nombre de treize.

— Eh bien ! enfants, voulez-vous essayer d’attraper le Tatar ? Mais, non, n’essayez pas, vous ne l’atteindriez jamais ; son cheval est encore plus agile que mon Diable.

Cependant Boulba, craignant une embûche, crut-il devoir prendre ses précautions. Il galopa, avec tout son monde, jusqu’aux bords d’une petite rivière