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la gloire cosaque. » Et ces paroles étaient semblables à des étincelles qui tomberaient sur du bois sec. Le laboureur abandonnait sa charrue ; le brasseur de bière mettait en pièces ses tonneaux et ses jattes ; l’artisan envoyait au diable son métier et le petit marchand son commerce ; tous brisaient les meubles de leur maison et sautaient à cheval. En un mot, le caractère russe revêtit alors une nouvelle forme, large et puissante.

Tarass Boulba était un des vieux polkovnik[1]. Créé pour les difficultés et les périls de la guerre, il se distinguait par la droiture d’un caractère rude et entier. L’influence des mœurs polonaises commençait à pénétrer parmi la noblesse petite-russienne. Beaucoup de seigneurs s’adonnaient au luxe, avaient de nombreux domestiques, des faucons, des meutes de chasse, et donnaient des repas. Tout cela n’était pas selon le cœur de Tarass ; il aimait la vie simple des Cosaques, et il se querella fréquemment avec ceux de ses camarades qui suivaient l’exemple de Varsovie, les appelant esclaves des gentilshommes (pan) polonais. Toujours inquiet, mobile, entreprenant, il se regardait comme un des défenseurs naturels de l’Église russe ; il entrait, sans permission, dans tous les villages où l’

  1. Chef de polk. Ce mot signifie maintenant colonel.