compagnons, nous ne nous reverrons plus en ce monde ! N’oubliez donc pas mes paroles d’adieu.
Alors sa voix grandit, s’éleva, acquit une puissance étrange, et tous s’émurent en écoutant ses accents prophétiques.
— À votre heure dernière, vous vous souviendrez de moi. Vous croyez avoir acheté le repos et la paix ; vous croyez que vous n’avez plus qu’à vous donner du bon temps ? Ce sont d’autres fêtes qui vous attendent. Hetman, on t’arrachera la peau de la tête, on l’emplira de graine de riz, et, pendant longtemps, on la verra colportée à toutes les foires ! Vous non plus, seigneurs, vous ne conserverez pas vos têtes. Vous pourrirez dans de froids caveaux, ensevelis sous des murs de pierre, à moins qu’on ne vous rôtisse tout vivants dans des chaudières, comme des moutons. Et vous, camarades, continua-t-il en se tournant vers les siens, qui de vous veut mourir de sa vraie mort ? Qui de vous veut mourir, non pas sur le poêle de sa maison, ni sur une couche de vieille femme, non pas ivre mort sous une treille, au cabaret, comme une charogne, mais de la belle mort d’un Cosaque, tous sur un même lit, comme le fiancé avec la fiancée ? À moins pourtant que vous ne veuillez retourner dans vos maisons, devenir à demi hérétiques, et promener sur vos dos les seigneurs polonais ?