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s’étaient arrêtés dans la rue et parlaient entre eux avec vivacité. Ils furent bientôt rejoints par un quatrième, puis par un cinquième. Boulba entendit de nouveau répéter le nom de Mardochée ! Mardochée ! Les juifs tournaient continuellement leurs regards vers l’un des côtés de la rue. Enfin, à l’un des angles, apparut, derrière une sale masure, un pied chaussé d’un soulier juif, et flottèrent les pans d’un caftan court. Ah ! Mardochée ! Mardochée ! crièrent tous les juifs d’une seule voix. Un juif maigre, moins long que Yankel, mais beaucoup plus ridé, et remarquable par l’énormité de sa lèvre supérieure, s’approcha de la foule impatiente. Alors tous les juifs s’empressèrent à l’envi de lui faire leur narration, pendant laquelle Mardochée tourna plusieurs fois ses regards vers la petite fenêtre, et Tarass put comprendre qu’il s’agissait de lui. Mardochée gesticulait des deux mains, écoutait, interrompait les discours des juifs, crachait souvent de côté, et, soulevant les pans de sa robe, fourrait ses mains dans les poches pour en tirer des espèces de castagnettes, opération qui permettait de remarquer ses hideuses culottes. Enfin, les juifs se mirent à crier si fort, qu’un des leurs qui faisait la garde fut obligé de leur faire signe de se taire, et Tarass commençait à craindre pour sa sûreté ; mais il se tranquillisa, en pensant que les juifs pouvaient bien converser dans la rue, et que le