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on l’attacha à un poteau sur la place du bazar, et l’on mit près de lui un gros bâton afin que chacun, selon la mesure de ses forces, pût lui en asséner un coup. Mais, parmi les Zaporogues, il ne se trouva pas un seul homme qui levât le bâton sur lui, se souvenant des services qu’il avait rendus. Tel était le Cosaque Mosy Chilo.

— Si, pourtant, il y en a pour vous rosser, chiens, dit-il en s’élançant sur le Polonais.

Aussi, comme ils se battirent ! Cuirasses et brassards se plièrent sous leurs coups à tous deux. Le Polonais lui déchira sa chemise de fer, et lui atteignit le corps de son sabre. La chemise du Cosaque rougit, mais Chilo n’y fit nulle attention. Il leva sa main ; elle était lourde sa main noueuse, et il étourdit son adversaire d’un coup sur la tête. Son casque de bronze vola en éclats ; le Polonais chancela, et tomba de la selle ; et Chilo se mit à sabrer en croix l’ennemi renversé. Cosaque, ne perds pas ton temps à l’achever, mais retourne-toi plutôt !… Il ne se retourna point, le Cosaque, et l’un des serviteurs du vaincu le frappa de son couteau dans le cou. Chilo fit volte-face, et déjà il atteignait l’audacieux, mais celui-ci disparut dans la fumée de la poudre. De tous côtés résonnait un bruit de mousqueterie. Chilo chancela, et sentit que sa blessure était mortelle. Il tomba, mit la main sur la plaie, et se tournant vers ses compagnons :