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Et moi : « Seigneur Andry ! » Et lui : « Yankel, dis à mon père, à mon frère, aux Cosaques, aux Zaporogues, dis à tout le monde que mon père n’est plus mon père, que mon frère n’est plus mon frère, que mes camarades ne sont plus mes camarades, et que je veux me battre contre eux tous, contre eux tous. »

— Tu mens, Judas ! s’écria Tarass hors de lui ; tu mens, chien. Tu as crucifié le Christ, homme maudit de Dieu. Je te tuerai, Satan. Sauve-toi, si tu ne veux pas rester mort sur le coup.

En disant cela, Tarass tira son sabre. Le juif épouvanté se mit à courir de toute la rapidité de ses sèches et longues jambes ; et longtemps il courut, sans tourner la tête, à travers les chariots des Cosaques, et longtemps encore dans la plaine, quoique Tarass ne l’eût pas poursuivi, réfléchissant qu’il était indigne de lui de s’abandonner à sa colère contre un malheureux qui n’en pouvait mais.

Boulba se souvint alors qu’il avait vu, la nuit précédente, Andry traverser le tabor menant une femme avec lui. Il baissa sa tête grise, et cependant il ne voulait pas croire encore qu’une action aussi infâme eût été commise, et que son propre fils eût pu vendre ainsi sa religion et son âme.

Enfin il conduisit son polk à la place qui lui était désignée, derrière le seul bois que les Cosaques n’