Il fit le signe de la croix ; son effroi se dissipa plus vite qu’il n’était venu. Quand il se retourna pour s’adresser à la Tatare, il la vit devant lui, immobile comme une sombre statue de granit, perdue dans son voile, et le reflet d’un incendie lointain éclaira tout à coup ses yeux, hagards comme ceux d’un moribond. Il la secoua par la manche, et tous deux s’éloignèrent en regardant fréquemment derrière eux. Ils descendirent dans un ravin, au fond duquel se traînait paresseusement un ruisseau bourbeux, tout couvert de joncs croissant sur des mottes de terre. Une fois au fond du ravin, la plaine avec le tabor des Zaporogues disparut à leurs regards ; en se retournant, Andry ne vit plus rien qu’une côte escarpée, au sommet de laquelle se balançaient quelques herbes sèches et fines, et par-dessus brillait la lune, semblable à une faucille d’or. Une brise légère, soufflant de la steppe, annonçait la prochaine venue du jour. Mais nulle part on n’entendait le chant d’un coq. Depuis longtemps on ne l’avait entendu, ni dans la ville, ni dans les environs dévastés. Ils franchirent une poutre posée sur le ruisseau, et devant eux se dressa l’autre bord, plus haut encore et plus escarpé. Cet endroit passait sans doute pour le mieux fortifié de toute l’enceinte par la nature, car le parapet en terre qui le couronnait était plus bas qu’ailleurs, et l’on n’y voyait pas de sentinelles. Un peu