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conseillère Tchékhtariov, et bien d’autres dames… Je ne sais vraiment… Excusez, monsieur (ici, le major Kovaliov haussa les épaules), mais à parler franc, si l’on envisage la chose selon les règles de l’honneur et du devoir… Bref, vous conviendrez…

– Je n’y comprends goutte, répéta le Nez ; expliquez-vous plus clairement.

– Monsieur, répliqua Kovaliov d’un ton fort digne, je ne sais quel sens donner à vos paroles… L’affaire est pourtant bien claire… Enfin, monsieur, n’êtes-vous pas mon propre nez ? »

Le Nez considéra le major avec un léger froncement de sourcils.

« Vous vous trompez, monsieur, je n’appartiens qu’à moi-même. D’étroites relations ne sauraient d’ailleurs exister entre nous. À en juger par les boutons de votre uniforme, nous appartenons à des administrations différentes. »

Sur ce, le Nez tourna le dos à Kovaliov, qui perdit contenance et ne sut plus ni que faire ni que penser. À ce moment, un agréable froufrou se fit entendre ; deux dames arrivaient : l’une, d’un certain âge, couverte de dentelles ; l’autre, toute menue, moulée dans une robe blanche et dont le chapeau jaune paille avait la légèreté d’un soufflé. Un grand flandrin de heiduque, dont le visage s’ornait d’énormes favoris et la livrée d’une bonne douzaine de collets, s’arrêta derrière elles et ouvrit sa tabatière.

Kovaliov redressa le col de batiste de sa chemise, mit en ordre ses cachets suspendus à une chaînette d’or et, souriant à la ronde, concentra toute son attention sur la jeune personne aérienne,