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découvert : le drap avait disparu. Il contemplait avec une terreur figée ces yeux vivants, ces yeux humains qui le fixaient. Une sueur froide inonda son visage ; il voulait s’éloigner, mais ses pieds semblaient rivés au sol. Et il vit, – non, ce n’était pas un songe, – il vit les traits du vieillard bouger, ses lèvres s’allonger vers lui comme si elles voulaient l’aspirer… Il bondit en arrière en jetant une clameur d’épouvante, et brusquement… se réveilla.

« Comment, c’était encore un rêve ! » Le cœur battant à se rompre, il reconnut à tâtons qu’il reposait toujours dans son lit, dans la position même où il s’était endormi. ! À travers la fente du paravent, qui s’étendait toujours devant lui, le clair de lune lui permettait d’apercevoir le portrait, toujours soigneusement enveloppé du drap. Ainsi donc il avait de nouveau rêvé. Pourtant sa main crispée semblait encore tenir quelque chose. Son oppression, ses battements de cœur devenaient insupportables. Par-delà la fente, il couva le drap du regard. Soudain il le vit nettement s’entrouvrir, comme si des mains s’efforçaient par-derrière de le rejeter. « Que se passe-t-il, mon Dieu ? » s’écria-t-il en se signant désespérément… et il se réveilla.

Cela aussi n’était qu’un rêve ! Cette fois il sauta du lit, à moitié fou, incapable de s’expliquer l’aventure : était-ce un cauchemar, le délire, une vision ? Pour calmer quelque peu son émoi et les pulsations désordonnées de ses artères, il s’approcha de la fenêtre, ouvrit le vasistas. Une brise embaumée le ranima. Le clair de lune baignait toujours les toits et les blanches murailles des