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et sanglante. Un médecin célèbre, que le hasard avait amené dans la maison, reconnut en lui quelques restes de vie, et, à la surprise générale, il guérit. On redoubla de surveillance ; on lui ôtait jusqu’aux couteaux de table. Mais bientôt après il trouva une nouvelle occasion de mort, et se jeta sous les roues d’un équipage qui passait. Il eut le bras et le pied cassés ; mais il guérit encore. Une année après je le rencontrai dans un salon du grand monde. Il était assis à une table de boston, disait gaiement :

— Petite misère. —

Et derrière lui, appuyée sur le dos de sa chaise, se tenait sa jeune et belle femme, qui jouait avec les jetons de son panier.

Cinq années après la mort de Pulchérie Ivanovna, je me trouvais par hasard dans le voisinage du domaine d’Athanase Ivanovitch, et j’allai faire une visite à mon bon vieillard, chez lequel j’avais passé tant d’agréables journées et mangé tant d’excellentes friandises. La maison me parut deux fois plus vieille ; les chaumières du village s’étaient tout à fait penchées sur le côté, comme avaient aussi fait sans doute leurs habitants. La clôture qui jadis entourait la cour était complétement détruite, et je vis de mes propres yeux la cuisinière en tirer des pieux, tandis qu’elle n’avait qu’à faire deux pas de plus pour atteindre un tas de fagots. Je m’appro-