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qu’elle avait de mourir bientôt était si forte, et son âme y était tellement disposée, qu’en effet, peu de jours après, elle dut se mettre au lit, et l’appétit lui manqua. Athanase Ivanovitch se montra plein d’attentions, et ne quitta plus son chevet.

— Ne voudriez-vous pas manger quelque chose, Pulchérie Ivanovna ? — ne cessait-il de lui répéter avec une inquiétude douloureuse.

Mais Pulchérie Ivanovna ne répondait rien. Enfin, un jour, après un long silence, Pulchérie Ivanovna se souleva faiblement, remua les lèvres comme si elle eût voulu parler, et son dernier souffle s’exhala.

Athanase Ivanovitch était anéanti. Cette mort lui semblait tellement étrange qu’il ne pleura point. Il regardait la morte avec des yeux ternes et stupides, comme s’il n’eût pas compris que c’était un cadavre. On la déposa sur une table, on l’habilla de la robe qu’elle-même avait désignée, on lui croisa les bras sur la poitrine, on lui mit entre les doigts un petit cierge. Il regardait faire tout cela dans une complète insensibilité. Une foule de gens remplirent la cour, et beaucoup de visiteurs vinrent à l’enterrement. On dressa devant la maison de longues tables couvertes de koutia[1], de pâtés, de flacons

  1. Mets composé de riz, de sucre, de raisin sec, et spécialement préparé pour les enterrements.