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de leurs seigneurs, et que ceux-ci pouvaient bien se contenter de la moitié. Ils finirent même par choisir cette moitié parmi la farine gâtée ou mouillée, et qu’on refusait à la foire. Mais, en dépit des vols effrontés de ces deux coquins, malgré la voracité de tous les êtres habitant la maison, depuis la femme de charge jusqu’aux cochons qui engloutissaient une foule de prunes et de pommes, poussant eux-mêmes les arbres avec leur groin pour en faire tomber une pluie de fruits ; malgré le pillage des moineaux et des corneilles ; malgré les cadeaux que faisaient à leurs parents et connaissances les gens de la maison, qui poussaient l’effronterie jusqu’à dérober les toiles de chanvre et de lin dont le prix allait se verser au cabaret ; malgré les rapines des visiteurs, des cochers flegmatiques et des laquais fainéants, cette terre fertile et bénie produisait tout en telle abondance, Athanase Ivanovitch et Pulchérie Ivanovna avaient si peu de besoins, que tant de déprédations ne pouvaient faire aucune brèche à leur bien-être.

Les deux bons vieillards, d’après l’habitude des gens d’autrefois, aimaient un peu les plaisirs de la bouche. Dès que pointait l’aurore (ils se levaient toujours de grand matin), dès que les portes commençaient leur concert discordant, ils s’attablaient et prenaient leur café. Après ce premier repas,