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Pas de date ; c’était un jour sans date.

Je me suis promené incognito à la Perspective Newski. Cependant je n’ai pas fait voir que j’étais le roi d’Espagne ; j’ai pensé qu’il était inconvenant de se dévoiler ainsi devant tout le monde avant de s’être fait présenter à la cour. Une seule chose m’embarrasse : c’est que je n’ai pas de costume national. S’il était possible de trouver un manteau royal quelconque. Je voulais en commander un à un tailleur ; mais tous ces tailleurs sont de vrais ânes qui ne prennent pas le moindre souci de leur ouvrage. Ils sont devenus des gens d’affaires, et, pour la plupart, s’occupent de paver les rues. J’ai pris la résolution de faire un manteau royal d’un frac d’employé que je n’ai pas mis trois fois. Mais, pour ne pas donner à ces coquins l’occasion de le gâter, je vais le faire moi-même, en fermant la porte pour que personne ne me voie. Je l’ai déjà taillé en pièces avec des ciseaux, car il faut que la coupe en soit toute différente.


Je ne me rappelle pas la date ; il n’y avait
pas de mois ; le diable sait ce qu’il y avait.

Le manteau est prêt et cousu. Mavra a poussé un cri quand je l’ai mis pour la première fois. Cepen-