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l’heure du goûter, et si longtemps que les gens de la maison, qui avaient fait cercle autour de lui comme cela se pratique en pareil cas, finirent par cracher de dégoût, et s’en allèrent tous en disant l’un après l’autre :

— Voilà un homme qui danse longtemps ! —

Le philosophe finit par se coucher et par s’endormir sur la place ; il fallut lui verser tout un seau d’eau froide sur la tête pour le réveiller à l’heure du souper.

Pendant le repas, il ne cessa de parler de ce que c’est qu’un Cosaque, et de répéter qu’il ne devait rien craindre au monde.

— Il est temps, dit Iavtoukh ; partons.

— Une allumette dans ta langue[1], maudit sanglier ! se dit le philosophe ; et il ajouta, en se mettant sur ses jambes : Partons. —

En allant à l’église, le philosophe ne cessait de regarder de côté et d’autre, et tâchait d’entamer une conversation avec ses conducteurs. Mais Iavtoukh gardait le silence, et Doroch lui-même n’était pas en train de parler. Il faisait une nuit d’enfer ; les loups hurlaient dans le lointain, et l’aboiement même des chiens avait quelque chose de lugubre.

— On dirait que ce ne sont pas des loups qui

  1. Expression propre à la Petite-Russie.