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cela même très-propre à toute entreprise secrète. Excepté un seul petit sentier, qui s’était frayé pour les besoins de la maison, tout le terrain était couvert d’une quantité de cerisiers devenus sauvages, de sureaux et de chardons des steppes qui élevaient par-dessus les autres herbes leurs grandes tiges, surmontées de boutons roses et cotonneux. Le lierre couvrait comme un réseau tout cet amalgame d’arbustes et de broussailles. Il jetait ses mailles jusque sur la haie et retombait au delà en grappes serpentantes qui s’entremêlaient aux tirebouchons des campanules. Derrière la haie, qui servait de limite au jardin, s’élevait toute une forêt de hautes bruyères dans laquelle probablement n’avait jamais pénétré personne. Toute faux qui se serait avisée de toucher à leurs tiges fortes et ligneuses aurait volé en éclats.

Quand le philosophe se décida à franchir la haie, ses dents se mirent à claquer, et son cœur à battre si fort qu’il s’en épouvanta lui-même. Les pans de sa longue robe semblaient se coller à la terre, comme si on les eût piqués avec des épingles, et il croyait entendre une voix aiguë lui crier à l’oreille :

— Où vas-tu ? —

Le philosophe s’enfonça dans les bruyères et se mit à courir en trébuchant à chaque minute sur de vieilles souches, et manquant à chaque pas