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visage de la morte, et ne put s’empêcher de fermer les yeux en tressaillant légèrement.

Quelle épouvantable et quelle étincelante beauté !

Il détourna de nouveau la tête, et voulut gagner sa place. Mais, par une étrange curiosité qui s’éveille d’ordinaire chez l’homme quand il est sous l’impression de la peur, il ne put résister au désir de la regarder encore une fois, quoique agité du même tressaillement. Il y avait, en effet, quelque chose de terrible dans la fière et énergique beauté de la morte. Peut-être ne lui aurait-elle pas inspiré une terreur aussi profonde si elle eût été laide. Mais on n’apercevait rien de sombre, rien de mort, dans les traits de son visage. Il était vivant, et il semblait au philosophe qu’elle le suivait du regard, tout en ayant les yeux fermés.

Il s’empressa de se placer dans un des kliros, ouvrit son livre, et, pour se donner du courage, se mit à lire de sa plus haute voix. Sa parole alla frapper les vieilles murailles en bois de l’église, depuis longtemps silencieuse et abandonnée. Sans écho, sans éclat, retentissait sa sourde voix de basse dans un silence de mort. Il la trouvait lui-même étrange et sauvage.

— Qu’y a-t-il à craindre ? pensait-il cependant. Elle ne se lèvera pas de son cercueil, car elle aura peur de la parole de Dieu. Elle se tiendra tranquille. Et quel Cosaque serais-je si j’avais peur ?