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cessera-t-il de hurler. » Elle prend un fer à remuer les tisons, et s’en va ouvrir la porte. Mais elle n’eut que le temps de l’entr’ouvrir, et déjà le chien s’était jeté à travers ses jambes dans la chambre, et il s’élança droit au berceau. La Cheptchikha voit alors que ce n’est plus un chien, mais bien notre demoiselle. Et puis, si c’eût été la demoiselle comme elle la voyait d’habitude, encore passe. Mais il y avait la circonstance étrange qu’elle était toute bleue, et que ses yeux étincelaient comme des charbons rouges. Elle saisit l’enfant, le mord à la gorge, et se met à lui sucer le sang. La Cheptchikha s’écrie : Och likhetchko[1] ! et se précipite hors de la chambre. Mais la voilà qui voit que la porte de la cour est fermée. Elle court au grenier, et la voilà, la sotte femme, qui se blottit et qui tremble. Et la voilà qui voit que notre demoiselle arrive, se jette sur elle, et commence à mordre aussi la sotte femme. Ce n’est que le matin que Cheptoun tira du grenier sa femme toute meurtrie et mordue, et le lendemain mourut la sotte femme. Voilà quelles choses surprenantes se passent quelquefois. On a beau sortir d’une portée de seigneur, quand on est sorcière, on l’est. —

Après avoir raconté tout cela, Doroch se rengorgea plein de satisfaction, et nettoya sa pipe

  1. Cri d’effroi en Petite-Russie.