Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à le traiter en écrivain de fantaisie, en humoriste à la manière anglaise de Swift ou de Sterne. Ce serait ne voir qu’un seul côté de son talent, le plus petit, et se préoccuper seulement de la forme de ses écrits ; ce serait surtout ne pas comprendre sa haute signification historique. Nicolas Gogol est un si grand peintre de mœurs, que les Russes disent de lui : «  Il nous a révélés à nous-mêmes. » C’est le portrait exact et frappant de la Russie qu’on trouvera dans celles de ses œuvres qu’il n’a pu détruire avec lui.

Pour le faire connaître en France, nous avons choisi, dans son recueil de Nouvelles, celles que désignait à notre préférence, outre leur renommée et leur variété, un caractère plus général, qui permît mieux de les faire passer dans une autre langue et comprendre dans un autre pays. Ce n’est pas aux éditeurs de Nicolas Gogol qu’il appartient de vanter ses mérites, de faire remarquer par avance sa manière originale, pittoresque, pour nous peut-être un peu rude et sauvage, comme les mœurs et le pays qu’il retrace avec tant de fidélité. Le lecteur, en arrivant à la fin de ce volume, saura bien cela sans qu’on le lui dise au commencement. Mais il me reste à expliquer comment, sans savoir un mot de russe, je publie la traduction d’un livre russe. Fait à Saint-Pétersbourg, ce travail m’appartient moins qu’à des amis qui ont bien voulu me dicter en français le texte original. Je n’ai rien fait de plus que des retouches sur les mots et les phrases ; et si le style est à moi en partie, c’est à eux seuls qu’est le sens. Je puis donc