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blanche comme la porcelaine qui n’est pas encore vernie, semblent transparents aux rayons caressants de ce soleil nocturne. Une foule de petites bulles la couvrent comme autant de perles ; elle tremblote et rit au fond de l’eau.

Voit-il cela, ou ne le voit-il point ? Rêve-t-il, ou est-il éveillé ? Et là-bas, qu’entend-il ? Est-ce du vent ou de la musique ? Cela résonne, s’approche, et pénètre dans l’âme comme un trille aigu.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? — pensait le philosophe Thomas Brutus, en regardant en bas, et toujours emporté à pleine carrière. Couvert de sueur, il éprouvait une sensation diaboliquement agréable, une espèce de jouissance terrible, qui faisait peur par sa force même. Il lui semblait parfois qu’il n’avait plus de cœur, et il posait avec effroi sa main sur sa poitrine. Éperdu, brisé de fatigue, il tâche de se rappeler toutes les prières qu’il avait apprises ; il répétait tous les exorcismes imaginables. Tout à coup il sentit une espèce de soulagement. Sa marche devenait moins rapide, la sorcière l’étreignait moins fortement ; les hautes herbes touchaient déjà ses pieds, et il n’y voyait plus rien de surnaturel. Le croissant de la lune brillait seul au firmament.

— Bien, bien, — pensa le philosophe Thomas ; et il se mit à réciter à haute voix ses exorcismes. Tout à coup, avec la promptitude de l’éclair, il re-