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valier sur le dos. Il éprouvait un sentiment inconnu, plein d’angoisse, et doux pourtant, qui glissait sur son cœur ; il baissa la tête, et il lui sembla que l’herbe de la steppe, qui se trouvait presque sous ses pieds, croissait bien loin et bien bas, et qu’au-dessus d’elle s’étendait une nappe d’eau claire comme la source des montagnes. Cette herbe lui apparaissait comme le fond d’une mer limpide et transparente, perdue jusqu’en ses dernières profondeurs. Du moins, il y voyait clairement sa propre image, réfléchie avec celle de la vieille qui chevauchait sur son dos. Il lui semblait qu’au lieu de la lune, un soleil inconnu éclairait les profondeurs de cette mer. Au loin, bien loin, il croyait voir et entendre les petites clochettes bleues qui tintaient en courbant leurs calices. Puis, il aperçoit comme un roussalksa[1], qui sortait d’une touffe de grands roseaux ; il voit ses épaules et ses jambes, arrondies et fermes, mais toutes formées de tremblotements et d’étincelles. Elle se retourne vers lui, et voilà que son visage, avec des yeux clairs et perçants, avec un chant qui lui entrait dans l’âme, s’approche, atteint presque à la surface de l’eau, et après avoir tremblé d’un rire éclatant, plonge et s’éloigne encore. Elle se renverse alors sur le dos, et les contours de sa gorge,

  1. Ondine ou sirène du nord.