Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nez flaira une odeur de poisson séché. Il jeta un coup d’œil sur les grègues du théologien qui marchait devant lui, et aperçut une énorme queue de poisson qui sortait de sa poche. Le théologien avait eu le temps de voler tout un carass[1] dans l’un des chariots de la cour. Il n’avait pas fait ce vol pour manger le poisson, mais seulement par habitude ; et comme il avait déjà complétement oublié sa prise, comme il cherchait à découvrir quelque autre chose bonne à prendre, avec l’intention de ne pas laisser même une roue cassée qui se trouvait par là, le philosophe Thomas enfonça sa main dans la poche d’Haliava comme dans la sienne propre, et en tira le poisson. La vieille distribua les étudiants dans leurs gîtes. Elle introduisit le rhétoricien dans la maison, puis elle enferma le théologien dans une petite chambre vide, et le philosophe dans un enclos de moutons, vide aussi.

Resté seul, le philosophe mangea en un instant son poisson sec, parcourant du regard la clôture de son enclos, donna un coup de pied à un cochon curieux qui passait son groin par une fente, et se coucha sur le côté droit pour dormir comme un mort. Tout à coup la petite porte basse de l’enclos s’ouvrit, et la vieille entra en se courbant.

  1. Gros poissons des lacs et étangs de la Russie intérieure.