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— Eh bien ! frères, dit le philosophe, ne restez pas en arrière. Coûte que coûte, il faut qu’on nous laisse entrer. —

Les trois savants frappèrent ensemble à la porte, et s’écrièrent tout d’une voix :

— Ouvrez ! —

La porte cria sur ses gonds, et les boursiers virent apparaître devant eux une vieille femme vêtue de peau de mouton.

— Qui est là ? dit-elle en toussant sourdement.

— Laisse-nous passer la nuit chez toi, bonne femme ; nous nous sommes égarés. Il fait aussi mauvais dans les champs que dans un ventre affamé.

— Et quelles gens êtes-vous ?

— Des gens inoffensifs, le théologien Haliava, le philosophe Brutus et le rhétoricien Gorobetz.

— Impossible, murmura la vieille ; nos chambres sont pleines de monde, et tous les coins de la maison remplis. Où vous mettrais-je ? Vous êtes tous si grands et si forts que la maison s’écroulera si je vous y loge. Je connais ces philosophes et ces théologiens ; si l’on commence à recevoir de pareils ivrognes, ils nous dévoreront, et briseront tout, par-dessus le marché. Allez-vous-en, allez-vous-en, il n’y a pas de place ici pour vous.

— Prends pitié de nous, bonne femme, ne laisse pas périr des âmes chrétiennes. Mets-nous où tu