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CHANT XII.

TÉNTËTNIKOF OU CHAGRINS D’AMOUR.


Tchitchikof entre dans un pays admirable ; il avance vers le point où se découvre un très-gros village dominé par la coupole dorée de l’église et par les toits à belvédère et les attiques de l’habitation seigneuriale. — Portrait du propriétaire d’après les divers témoignages de ses voisins. — C’est un être humain, qui fume afin de bouder sans remords. — Son entourage immédiat. — Son nom : André Téntëtnikof. — Exposé, à propos de M. André, de toutes les idées de l’auteur sur le meilleur système d’éducation, puis son opinion sur le service public, et sur les salons de la grandesse russe, et sur ce que doit avoir en vue un gentilhomme qui, dégoûté du monde, se retire dans son domaine. — Scènes de l’installation d’un seigneur dans ses terres. M. André amoureux. — La vie est comme suspendue dans tout le domaine par suite de l’état où le jette une brouillerie avec le père de son amie. — Tchitchikof veut reconnaître la noble hospitalité qu’il reçoit de l’excellent M. André en allant, presque malgré son hôte, faire diplomatiquement quelques visites au général Bétrichef et, partant, à la belle Julienne, sa fille. — M. Téntëtnikof met une voiture à la disposition de notre héros pour qu’il suive sa fantaisie, à la condition que ce qu’il dira et fera n’ait point l’air d’une soumission à un homme qui, du seul droit de sa graine d’épinard, se permet, à ses heures, de tutoyer sans façon les voisins et gens de connaissance.


Pourquoi donc représenter toujours la pauvreté, et les misères, et les imperfections de notre vie, et les hommes du fond de nos provinces, les habitants des recoins obscurs de notre pays ?

Que faire pourtant, si telle est la vocation de l’auteur ; si lui-même, bien convaincu et souffrant de sa propre infirmité, n’a plus le pouvoir de penser qu’aux infirmités d’autrui, de peindre autre chose que les imperfections et les misères de notre vie, et si, laissant aux grandes villes leurs grâces et leurs vertus, il ne sait représenter que les gens des cantons éloignés de l’empire ? Pas moyen de s’en défendre ! Et voici que de nouveau nous allons retomber dans les solitudes et les recoins de nos provinces.