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uns ne me donneront pas, outre cela, quelque chose. Je ne me fais pas illusion ; je sais bien que c’est difficile et que je ne mènerai peut-être pas à bonne fin tous les préliminaires du grand coup de filet sans que quelque maille s’accroche par-ci par-là… Mais pourquoi l’esprit aurait-il été donné à l’homme ? Ce qu’il y a d’excellent en ma faveur, c’est que mon but, fût-il soupçonné par quelque fine mouche, leur paraîtra à eux-mêmes invraisemblables ; les autres, si on leur en parle, crieront tout de suite à l’absurde, et en définitive, personne ne croira à mon projet.

« Il est vrai que, d’après la loi, on ne peut ni acheter ni hypothéquer les hommes qu’avec la terre où ils sont inscrits ; mais que me fait cela, à moi ? J’achète l’homme pour créer la terre, pour coloniser, pour peupler le désert ; c’est ce que j’ai grand soin de déclarer en achetant des âmes. Cela constitue une exception, qui est loi aussi. Il y a maintenant, dans les gouvernements de Tauris et de Cherson, de la terre à la pleine disposition des amateurs de colonisation et de défrichement, et justement moi je suis amateur fou de ces utiles créations ; il n’y a rien là qu’on ne doive louer et même encourager. Oui, messieurs, c’est mon secret ; mais si vous tenez absolument à le savoir, un mot vous suffit : le ciel et les solitudes de Cherson ou de Tauris me plaisent beaucoup ; on y peut, si on a de la tête, aller peupler des vallées… Suffit, on croit comprendre l’affaire, on me laisse tranquille, on me regarde même avec considération. Mais les magistrats quelquefois… Bien, je vous attendais là  : un magistrat curieux ou tracassier veut savoir si les paysans sont réels. Réels ? comment ne seraient-ils pas réels ? on paye pour eux la capitation : mais il suffit d’une ample affirmation sans phrases, et voulez-vous encore la signature du capitaine de police du lieu de l’achat ? C’est facile, allez. Le magistrat convaincu baissera pavillon, et moi, tout affectueusement et sans nulle rancune, je le consulterai encore sur le nom à donner à l’ensemble de mes plantations ; sera-ce slabode Tchitchikof ou bien colonie Pavlovski, de mon