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queue et sans surprise, circonstance qu’on assure être un bon présage pour les voyageurs.

La britchka atteignit des rues plus désertes et les longues enfilades de palissades délabrées qui annoncent en Russie l’extrémité d’une ville ; tout à coup le pavé cessa, la barrière fut franchie, la poussière s’éleva épaisse d’abord, un peu moins après. Notre héros était en route, il traversait un espace tout plat et nu. Ce qu’on voit en ces occasions, c’est qu’on ne voit plus rien ; ensuite on prend sans y penser l’habitude de regarder les poteaux qui indiquent les kilomètres parcourus et à parcourir d’un relais au suivant, et la mine des inspecteurs de station, et les puits de village, et les convois de charrettes qui constituent notre roulage national, et les villages, masses grisâtres ornées çà et là de samovars[1], de bonnes femmes et de barbons. En voilà un qui se détache du groupe et accourt de l’auberge vous offrir son avoine ; voici des piétons en marche ; ils sont chaussés d’écorce de bouleau ou de tilleul, et cependant il en est tel qui, avec cette sorte de chaussure, fera des trajets de six à huit cents kilomètres.

Puis passent sous vos yeux les petites villes bâties à coups de hache en rondins rarement recouverts de planches, avec leurs petites boutiques dignes du nom d’échoppes, entourées à la devanture de tonneaux de farine, de pois, de fèves, de noisettes et de laptis ou souliers d’écorces, et de kalatches ou pains jaunets et pansus avec une anse ; une barrière bigarrée de blanc et de noir, avec cordon rouge entre deux, est à l’entrée, une autre semblable à la sortie ; puis ce sont des ponts recarrelés comme les bottes du pauvre, et des espaces sans fin à droite et à gauche ; de temps en temps passe un grand vieux carrosse de propriétaire noble, ou bien un soldat à cheval traînant un caisson de mitraille

  1. Bouilloires souvent décrites à foyer central, avec cheminée au-dessus et robinet vers le pied, objet utile et premier ornement de toute chaumière après les saintes images du coin d’honneur. Mais la prière et l’eau bouillante sont les deux éléments essentiels de la vie champêtre en Russie : l’une, pour ramener les aspirations de l’esprit ; l’autre, la transpiration matérielle du corps.