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— Ah ! pour un gentilhomme, ceci est assez mal porté. Exclure ! exclure !

— Hé ! k k k quoi ? co co co oment ? de f f f faux en pierrerie et di i i iamants ?

— Bien tombé… On vous dit : pour faux en matière d’héritage.

— Ha ha ! J’en en entends ; divers tri i i potages… Aux é é élections ? Mais qu’ê ê est-ce que les tri ibunaux avaient à voir là ?

— Ah çà, vous me laisserez bien prendre ma prise ? Ils me serrent si fort que je ne puis pas atteindre ma tabatière. On ne vient ici qu’une fois tous les six ans, et c’est pour être mis dans un étau à chaque pas. Moi, je vais filer.

— Que ne file-t-il donc plus vite, au lieu de bavarder, ce gros-là ; il prend à lui seul trois places, et près de lui ce n’est pas tenable. Il lui faut encore ses coudées franches pour priser, excusez !

— En finirez-vous, là-bas ? Laissez donc écouter !

Eh bien, qu’est-ce que vous venez faire par ici, vous autres, ouf ! ouf ! Oh, c’est par trop fort !

— Cht, cht, cht, cht ! Silence, je vous prie.

« Accusé d’avoir perpétré un faux en matière de testament, et d’avoir acheté à différents propriétaires nobles de domaines habités, des paysans-serfs, âmes mortes avec la terre qu’ils occupaient. — Il a été, après enquête et jugement, complétement acquitté comme non coupable. »

— Quoi ? quoi ? Des âmes mortes ?

— On l’avait accusé d’avoir acheté des âmes mortes, des absurdités, enfin, voilà, quoi !

— Co… co… o… o… ment ? Il a acheté le testament d’une femme morte ?

— Ah, mon cher monsieur, tu es bien assommant ! que diantre, débouche donc tes oreilles ! Je te réponds pour la dernière fois : il a acheté des milliers d’âmes mortes.

— Ne dit-on pas mortes ? Ah Jésus mon Dieu ! pas moyen d’entendre ; c’est une Babel !

— Quelles histoires ! je vais sortir ; le secrétaire lit une chose ; ici on parle d’une autre.