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— Secrétaire, parlez plus haut et allez votre train. Ahi, ahi, de nouveau sur mon maudit cor ! qui passe donc là ?… Ahi, ahi, est-il grossier celui-là ! il ne demande pas pardon.

« Par cette détonation, dit le secrétaire en le prenant plus haut de toute une octave, il effraya mortellement une dame qui passait. Cette dame est la femme du commissaire de police du quartier, Schoukine ; par suite de sa frayeur, cette dame, en arrivant chez elle…

— Ah ! si elle en est morte, qu’importe qu’elle ait été atteinte ou non par la décharge ?

— Au nom de Dieu, messieurs, écoutez, n’interrompez pas.

« En arrivant chez elle, elle fut mise au lit et accoucha de deux enfants qui ont été reconnus être du sexe mâle…

(Grand éclat de rire.)

— Fort bien, mais la mère ?

« La mère et les enfants sont dans le meilleur état de santé. » Par suite de l’enquête qui fut ordonnée, Tsélikof a été déchargé de toute responsabilité.

« Qu’il vote ! s’écria-t-on de tous les côtés.

— Ce serait fort de priver celui-là de sa qualité d’électeur ; il a mis la science sur la voie d’un nouveau moyen de précipiter l’action de la nature dans les cas difficiles.

— Ce que vous dites là est très-vrai. À propos, et votre jument ?

— Je l’ai vendue à un maquignon. Mais vous ne savez pas l’aventure ?

— Non, je ne sais pas ; mais permettez-moi d’ab…

— Messieurs, pour l’amour de Dieu, écoutez. Il n’y a pas moyen d’entendre un seul mot.

— Larion Kouzmitch, voyez, voyez ; qui est dans celui, qui, là-bas, est assis sur le tout dernier banc, là, là, dans l’encoignure ; il y a au-dessus de sa tête une lampe… Ah ! vous voyez à présent… Hein ! quelle figure ! Voilà qui serait digne du crayon de Gavarni.

— Taisez-vous donc ; on lit…

« Pâvel Ivanovitch Tchitchikof, conseiller d’état, accusation de faux en matière de testament.