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très-fin et sa bonne mine d’homme fait ; il songea à son titre de conseiller d’État et prit intérêt à lui ; puis il regarda significativement ses subordonnés qui l’aimaient. Ceux-ci se retirèrent dans le corridor et fermèrent discrètement la porte.

« Écoutez Pâvel Ivanovitch, dit l’officier municipal, vous êtes arrêté à la diligence d’un employé nommé Bosniakof, qui est un bien mauvais drôle et qui veut de l’argent ; je peux lui dépêcher quelqu’un qui, pour cinq cents roubles, l’engagera virtuellement à se désister de sa plainte ; mais il vous a accusé de faire commerce d’âmes mortes des deux sexes, et d’en avoir engagé une forte partie dans des établissements de crédit.

— En tout cas, pour acheter, engager ou vendre, je n’ai fait de violence à personne.

— Très bien ; à présent, si vous avez de l’argent, dites-le moi, je suis pour vous. Pour combien avez-vous engagé des âmes mortes à la couronne ?

— Pour quatre-vingt mille roubles.

— Il faut vite payer cela, et faire, dès demain, le dépôt de cette somme ; vous m’entendez ?

— Je le ferai. Mais j’ai encore mille âmes dont je ne tirerai plus aucun parti, étant aux arrêts…

— Laissez donc ; je vous trouverai un moyen de les engager très-fructueusement.

— Faites-moi cette grâce.

(Bas.) — Répondez-moi que vous possédez en tout cinq mille roubles en argent, et que vous n’avez rien de plus au monde. (Haut) Déclarez, monsieur, de quelle somme vous êtes possesseur.

(Haut.) — Je possède cinq mille roubles argent qui sont tout mon avoir.

(Haut.) — Remettez-moi, monsieur ces cinq mille roubles.

(Haut.) — Les voici.

(Le maire, après avoir ouvert la porte.) — C’est bien, monsieur ; ne vous effrayez pas d’une misérable intrigue. (Il compte les cinq mille roubles et en fait deux parts iné-