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CHANT XIX.

ARRESTATION ET DÉLIVRANCE.


Le dernier testament de feu Mme Khanassarof est argué de faux. — Les dénonciations affluent de tous les côtés contre Tchitchikof. — Il reçoit du jurisconsulte Holdecrock un billet rassurant. — Le tailleur lui apporte un habit qui lui sied à ravir. — Tchitchikof se dispose à s’aller montrer chez quelques personnes ; mais tout à coup le général gouverneur le fait jeter sans forme de procès dans un affreux cachot. — Humilité sans bornes de notre héros. — Visite de Mourâzof au prisonnier. — Mourâzof s’engage à parler en sa faveur. — Resté seul, il se livre à de sages réflexions. — Sa rêverie est interrompue par la visite d’un employé nommé Samosvistof, qui lui apporte d’excellentes nouvelles. Moyennant une somme de 30 000 roubles, il peut recevoir : 1° sa cassette et tous ses effets dans moins d’une heure ; 2° son acquittement et, par suite, sa liberté complète quelques heures après. — Il accepte avec empressement ce marché. — Une demi-heure après, ses effets lui sont livrés. — À cette vue, il se fait servir dans son cachot un dîner fin et copieux. — Mourâzof survient, le trouve à table, calme, joyeux, couvert de bons vêtements chauds, et il devine que des gens de sac et de corde ont passé par là. — Il annonce à notre héros qu’il est libre, à la seule condition de partir au plus tard dans les vingt-quatre heures et de ne plus jamais reparaître dans la ville. — Tchitchikof, en sortant de prison, retrouve ses domestiques, à qui il donne divers ordres relatifs au départ. — La route d’hiver est bonne. — Il a fait mettre sa calèche sur patins. — Il part sans avoir pour le moment d’autre but que de s’éloigner d’un lieu si peu sûr. — Mercuriale que S. Exc. M. le général gouverneur adresse à une réunion générale de tous les fonctionnaires et employés. Elle amène la demande de démission spontanée des plus grands fauteurs de désordres et en même temps de l’honorable M. de Lénitsyne, à qui il reste plusieurs millions de fortune pour fiche de consolation. — La fortune du bon Khlobouëf est rétablie aux frais de Lénitsyne sur un meilleur pied qu’elle ne l’avait jamais été.


Comme Khlobouëf l’avait dit au vénérable Mourâzof, les protestations contre le testament argué de faux affluaient de tous les côtés et sous toutes les formes dans les tribunaux de la localité, et dans les bureaux du gouverneur civil et du général gouverneur. La défunte, à cette occasion, se trouva avoir laissé des nuées de parents dont ja-