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avez plus d’esprit que moi, et je vous obéis ; la responsabilité, tant que j’obéirai fidèlement, pèsera sur vous, pas sur moi. » Voilà ce que dit Ivan Potapytch ; en réalité, du reste, Potapytch a dix fois plus d’esprit que moi.

— Athanase Vaciliévitch, je suis tout prêt moi aussi à vous obéir, à vous donner plein pouvoir sur moi, à vous servir comme domestique, si vous voulez ; je me mets résolûment à votre pleine discrétion. Mais ne me donnez pas une tâche au-dessus de mes forces ; je ne suis malheureusement pas un Potapytch, et je vous assure que je ne suis propre à rien de bon.

— Moi, je ne vous impose rien, Sémeon Sémeonovitch ; mais, comme vous dites vous-même que vous voudriez être bon à quelque chose, je vais vous signaler une œuvre, une œuvre qui serait méritoire. Il y a, en un lieu parfaitement choisi, une église qui se bâtit au seul moyen des dons volontaires des fidèles. Les travaux vont s’arrêter ; la caisse est vide ; il faut qu’il soit fait une tournée dans le pays. Couvrez-vous d’une simple sibirka ; vous êtes maintenant un gentilhomme ruiné, donc un homme tout ordinaire, un mendiant, je vous le dis sans cérémonie, réduit à la mendicité ; entrez courageusement dans votre état, mendiez ; partez dans une grossière télejka et courez, le livre de souscription à la main, de ville en ville, de village en village, faire la collecte. Vous allez d’abord prendre la bénédiction de l’archiéreï (archiprêtre) et le livre plombé préparé pour cet usage, et Dieu soit avec vous ! »

Sémeon Sémeonovitch fut tout éperdu à la pensée de ce devoir si extraordinaire pour un homme tel que lui, issu de noble et vieille maison, d’aller, un livre de souscription à la main, mendier pour l’église. Valétudinaire et peu accoutumé aux grandes fatigues, soutiendrait-il le cahotement d’un chariot de paysan ? Mais ici il s’agissait de faire une œuvre agréable à Dieu. Évidemment, il avait été proposé et accepté pour accomplir cette œuvre, et il ne voyait pas quelles bonnes raisons il pourrait alléguer pour décliner la rude tâche qui lui était imposée.

« Avez-vous réfléchi ? lui dit Mourâzof. Ici il s’agit de