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CHANT XVIII.

DEUX TESTAMENTS. — UNE FOIRE. — UN AVOCAT. — UN SAINT HOMME.


Tchitchikof devrait partir. — Il est retenu par l’attrait de la grande foire locale. — Il fait des emplettes chez un juif à mine de contrebandier. — M. de Lénitsyne entre et prend notre héros à part. — Il est très-alarmé de la découverte d’un testament précédent. — Tchitchikof le rassure. — Peu rassuré lui-même, Tchitchikof va consulter un avocat fameux. — Celui-ci écoute, puis il se fait donner de l’argent. — Devinant la position très-critique du client, il promet d’agir, de rendre les faits compliqués, monstrueux, inextricables ; et il lui recommande, quoi qu’il dise ou fasse, quoi qu’il lui arrive, le calme le plus absolu. — Tranquillisé par cet expert en chicane, il se pavane dans sa calèche. — Il va choisir du drap pour un habit complet. — Le drapier le décide pour une teinte flamme et fumée de Navarin. — Khlobouëf entre dans le magasin. — Tchitchikof se détourne. — Khlobouëf lui en fait la remarque. — En ce moment entre le riche fermier Mourâzof, homme de probité connue et de haute piété, qui n’était venu là que pour donner rendez-vous chez lui à Khlobouëf. — Propos des chalands du drapier sur la grande fortune de Mourâzof. — Khlobouëf sort et rattrape Mourâzof à sa porte. — Mourâzof sonde ce pauvre gentilhomme et trouve en lui un fonds excellent. — Il lui propose une mission qui tend à le relever comme chrétien en l’humiliant comme gentilhomme. — Ce point réglé, ils parlent confidentiellement de Tchitchikof et du récent testament de la millionnaire défunte. — Tous les deux tiennent Tchitchikof au moins pour très-suspect de menées et d’intrigues ; mais ni l’un ni l’autre n’a de haine contre lui. — Mourâzof a même plutôt de la pitié pour ses erreurs que de l’antipathie pour sa personne.


Tout a une action, une direction qui lui est propre, et il n’est personne qui ne s’y livre d’instinct. Où il y a un besoin, il y a une tendance ; où il y a désir, il y a sympathique attraction : ce fait est l’objet de plusieurs proverbes russes dont plusieurs sont intraduisibles à force d’énergie. Le voyage de coffre en coffre avait eu plein succès, et un fait qui me semble acquis, c’est que dans tout le tohu-bohu inséparable de ces sortes d’expéditions, il s’était glissé et casé quelque chose dans le grand néces-