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à ce qu’on ne détourne pas les grands courants naturels de la richesse dite publique, qui tous affluent vers l’activité et l’intelligence unies à la probité et au capital. Et, en fait de ce capital, les milliers de roubles sagement employés donneront dix, quinze, vingt pour cent ; mais les millions ont pour essence de se doubler, tripler, quintupler… de se décupler parfois en fort peu d’années.

— Et quand je pense que de pareilles fortunes commencent assez souvent par de misérables copecks !…

— Il n’en arrive jamais autrement ; c’est dans l’ordre le plus naturel des choses. Quiconque est né avec des milliers de roubles et a été élevé sur des milliers de roubles, n’acquerra point ; il est accoutumé à l’aisance, à la dépense, à la paresse, aux fantaisies de tout genre. Il faut commencer du commencement et non pas du milieu, du copeck et non du rouble, d’en bas et non d’en haut. C’est à ce prix qu’on apprend à connaître les hommes et l’état de choses au milieu duquel on a à se retourner. Si tu as senti ce mal sur ta peau, si tu as appris que chaque denier en ce monde semble être cloué avec un clou de huit pouces, si tu as été pris ou presque pris à cent escroqueries, tu en auras alors tant vu, tant su, que tu ne pourras plus te tromper en aucune entreprise, et tes affaires ne s’en iront pas à la dérive. Soyez bien sûr de ce que je vous dis… qu’il faut « commencer par le commencement ». Pour que je sois d’abord en défiance à l’égard d’un homme, il suffit qu’il me dise : « Donnez-moi cent mille roubles, je serai tantôt riche. » Cet homme-là, soyez-en sûr, procédera par coup de tête, et non par bon et habile calcul, comme fait celui qui commence par des copecks, ainsi qu’il est de règle partout.

— En ce cas je deviendrai riche, dit Tchitchikof, qui involontairement pensait à ses âmes mortes, car je commence réellement avec rien.

— Constantin, il est temps de laisser à Pâvel Ivanovitch la liberté d’aller prendre du repos, et tu es aujourd’hui dans une veine de babil si extraordinaire…

— Oui, oui ; vous deviendrez riche et très-riche, dit