Page:Gogol - Les Âmes mortes, tome 2, trad Charrière, 1859.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHANT XIII.

UN VIEUX DÉBRIS DE 1812.


Avenue et aspect extérieur de l’habitation des Bétrichef. — Portrait du général. — Tchitchikof est introduit. — Il se sent d’abord assez intimidé et balbutie quelque temps en y mettant peut-être aussi un peu d’intention ; puis il compose assez bien sa personne et ses discours pour être souffert et même pour se faire écouter. Bientôt il amène habilement l’occasion de nommer M. Téntëtnikof, qu’il dit très-occupé… De quoi ? De la gloire de son pays. Mais encore ? Il écrit… l’histoire des généraux de 1812. — Mlle Julienne apparaît dans le cabinet où ils étaient. — Elle plaide la cause de M. André contre les préventions de son père, préventions qu’elle sait être nourries par un tiers qu’elle juge abject et perfide. — Tchitchikof fait de l’esprit ; il égaye la conversation ; la gaieté gagne, et, peu à peu, envahit le général. — Notre héros pousse à l’anecdote, et il en sait de bonnes. — Un accès de gros rire s’empare du général et ne le quitte plus, sauf un instant où la noble Julienne déclare les faits racontés déplorables, et non risibles. — Tchitchikof est retenu pour le dîner. — Il assiste à la toilette du général. — Il profite du moment de favorable disposition et de longues ablutions à très-grande eau de Bétrichef pour le prier de lui vendre ses âmes mortes, en lui improvisant une histoire d’oncle riche et fantasque, qui le fera son héritier dans le cas où, d’abord, il saura s’enrichir vite lui-même. — Bétrichef est si heureux de s’égayer sur l’ânerie de cet oncle imaginaire, qu’il donne pour rien toutes ses âmes mortes, mâles et femelles. — On passe à la salle à manger.


De bons chevaux, en deux heures de temps, transportèrent Tchitchikof à une distance de dix verstes, d’abord par une chênaie, puis par des blés qui commençaient à verdoyer au milieu des terres fraîchement labourées, puis par des versants de montagnes d’où l’on découvrait à chaque instant de nouveaux lointains, puis par une large allée de tilleuls, dont le feuillage commençait à peine à percer ; et enfin, au milieu du village même. Ici l’avenue tourne à droite, et, se changeant en un double rideau de hauts peupliers, que protégeait au bas de leur tige un encaissement d’osier tressé, elle aboutit à une grande porte grillée en fer de fonte, à travers laquelle se découvre le riche et artisti-