comme au sein de sa famille ; dans les boutiques, au marché, dans le bazar, il disposait de tout comme de sa propre chevance. En général, il était parfaitement posé dans son emploi, et comprenait à merveille tous ses devoirs. Il eût été difficile de décider s’il était fait pour la place ou la place pour lui. La machine était montée de telle sorte qu’il se faisait le double au moins du revenu de ses prédécesseurs, et en même temps il se conciliait à bon droit l’amour de toute la ville. Les marchands l’aimaient de ce qu’il n’était pas orgueilleux ; il tenait leurs enfants sur les fonts et vivait avec eux comme compère et commère ; il les faisait largement contribuer à l’aisance de sa maison, mais il y mettait presque toujours des formes ; il les recevait avec un air de bonhomie à ses minutes d’audience, leur tapotait sur les épaules, leur faisait offrir une tasse de thé, et avait toujours le petit mot pour rire ; s’il entrait chez eux, il faisait parfois leur partie de dames, les questionnait sur leurs affaires, et, s’il savait qu’un fils fût malade, il conseillait volontiers un remède pour lui, et passait s’informer de son état.
Bref c’était le brave homme par excellence. Passait-il en drojka, il avait l’œil au bon ordre, et en même temps, il jetait à l’un et à l’autre un mot qu’on aimait à attraper au vol : « Mickhéitch, il faudra bien que nous fassions une partie de gorka[1]. — Oui, oui. Alexéï Ivanovitch, répondait Mickhéitch tout joyeux en tirant son bonnet, il faudra, il faudra. — Frère Ilia Paramonytch ? viens voir un peu mon ryssak[2] ; mais amène le tien attelé à la bancelle, le mien sera attelé en cinq minutes, et nous verrons un peu. » Le marchand, qui était fou de son ryssak, souriait avec bonheur, et en se caressant la barbe disait triomphant par avance : « Enchanté ! Alexis Ivanovitch ; nous verrons bien ! » Et tous les commis qui, en de pareils moments, se groupaient le