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66 LE RÉVJZOR

la même sensation que si je me trouvais sur quelque haut clocher... ou si j'étais condamné à être pendu !...

Anna Andreevna. — Je n'ai éprouvé aucune timidité... Je n'ai vu en lui qu'un homme du monde, fort bien élevé, instruit, élégant... quant à son rang, je n'en ai cure !

Le préfet. — Oh! ces femmes!... Un mot, elles se pâment ! Des sornettes... et les voilà heureuses !... Toujours dire ce qui leur passe par la tête !... Qu'il arrive une catastrophe on te fessera et c'est tout... mais c'est moi, le mari qui trinquera ferme... Tu parlais un peu trop librement avec lui, ma petite âme !... comme tu [l'aurais fait avec un Dobtchi- neski quelconque.

Anna Andreevna. — Je vous prierai de ne pas

me donner de conseils à ce sujet... Nous sentons, nous

savons certaines choses...

(Elle regarde sa fille.)

Le préfet (se parlant à lui-même). — Allons, inu- tile de parler avec vous... Quelle histoire tout de même ! Je ne suis pas encore remis de mon épou- vante. (Il ouvre la porte.) Michka ! Appelle les agents. Svistounof et Derjimorda... ils ne doivent pas être très lcin... (Après un court silence.) Quel monde aujourd'hui! Si encore les hommes étaient forts, vigoureux... mais ils sont tous maigriots, petits... comment diable reconnaître le rang qu'ils tiennent !... Un militaire en uniforme, passe encore, on sait à qui on a affaire... mais avec ce frac, on est perdu ! l'homme n'est plus qu'une mouche à qui on aurait arraché les ailes !... Et cependant j'ai fait tout ce qui était humai- nement possible à l'hôtel., je lui en ai jeté à la tête,

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