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62 LE RÉVIZOR

dessus... » Mais qu'est-ce que je raconte? j'habite le premier... un admirable escalier... Il est curieux de voir mon antichambre lorsque je ne suis pas encore réveillé : des comtes et des ducs se bousculent, chu- chotent et bourdonnent... on n'entend que des j... j... j... Souvent aussi quelque ministre... (Le préfet et les autres, confus, se lèvent de leurs chaises.) On m'écrit : « Votre Excellence... » J'ai dirigé tout un département dans un ministère... Et chose curieuse... le directeur partit un jour... personne ne put dire où... Naturellement, des bruits coururent... Qui prendrait la succession?... De nombreux généraux se présen- taient... mais ils n'étaient pas de taille... pas si facile que cela paraissait... Rien à faire... il fallut s'adresser à moi... Et ce furent des exprès, des exprès, des exprès envoyés chez moi... Figurez-vous ma situa- tion : « Ivan Alexandrovitch, devenez directeur », me suppliaient-ils... Comprenez-vous, jusqu'à trente-cinq mille exprès... J'avoue que je me sentis confus; je sortis en robe de chambre, voulus refuser, mais j'ai pensé que l'Empereur le saurait et que l'état de mes services... enfin, j'acceptai... « Messieurs, je veux bien, j'accepte la fonction, leur dis- je, je me soumets... mais prenez garde, il faudra que ça marche avec moi !... » Et, en effet... dès mon arrivée au bureau, c'est un véritable tremblement de terre, tous ont peur et frémissent comme des feuilles... (Le -préfet et les autres tremblent, épouvantés. Khlestakof s'anime de plus en plus.) Ah ! mais c'est que j'ai horreur des plaisanteries... je leur en ai fait voir... Le Conseil d'État lui-même me craint... Dame ! Je suis moi... je me fiche de tous et je crie : « C'est à moi à savoir qui je suis, à moi seul ! » J'ai mes entrées partout, je

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