Page:Gofflot - Le Théâtre au collège, 1907.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
LE THÉATRE AU COLLÈGE

Caylus est la dernière qui ait conservé la déclamation de Racine : elle récitait admirablement. On cadençait alors les vers dans la déclamation, c’était une espèce de mélopée ».

« Jamais, dit Saint-Simon, un visage si spirituel, si touchant, si parlant, jamais une fraîcheur pareille, jamais tant de grâces, ni plus d’esprit, jamais tant de gaieté et d’amusement, jamais de créature plus séduisante. Elle surpassait les plus fameuses actrices à jouer des comédies. Elle s'y surpassa à celles d’Esther et d’Athalie devant le Roi[1] ».

« Elles avaient bonne envie de faire honneur à leurs maitres et que le Roi et Madame de Maintenon fussent contents, elles y allaient même si simplement que quelques unes dans la peur de manquer, se mettaient à genoux derrière le théâtre et disaient des Veni Creator, afin d’obtenir de ne pas broncher, et je vois que Dieu, qui voyait leur innocence et leur bonne intention, avait leur prière agréable, car elles jouaient si naturellement et de si bonne grâce, sans hésiter le moins du monde, qu’on eût dit que ce qu’elles disaient coulait de source[2] ».

« Ces jeunes demoiselles ont déclamé et chanté cet ouvrage avec tant de grâce, tant de modestie et tant de piété, qu’il n’a pas été possible qu’il demeurât renfermé dans le secret de leur maison. De sorte qu’un divertissement d’enfants est devenu le sujet de l’em-

  1. Saint-Simon, Mémoires, t. IV, p. 380 et 381.
  2. Mémoires des Dames de Saint-Louis,