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Je me trouve très-bien ici. La solitude de ces célestes campagnes est un baume pour mon cœur, dont les frissons s’apaisent à la douce chaleur de cette saison où tout renaît. Chaque arbre, chaque haie est un bouquet de fleurs ; on voudrait se voir changé en papillon pour nager dans cette mer de parfums et y puiser sa nourriture.

La ville elle-même est désagréable ; mais les environs sont d’une beauté ravissante. C’est ce qui engagea le feu comte de M… à planter un jardin sur une de ces collines qui se succèdent avec tant de variété et forment des vallons délicieux. Ce jardin est fort simple ; on sent dès l’entrée que ce n’est pas l’ouvrage d’un dessinateur savant, mais que le plan en a été tracé par un homme sensible, qui voulait y jouir de lui-même. J’ai déjà donné plus d’une fois des larmes à sa mémoire, dans un pavillon en ruines, jadis sa retraite favorite, et maintenant la mienne. Bientôt je serai maître du jardin. Depuis deux jours que je suis ici, le jardinier m’est déjà dévoué, et il ne s’en trouvera pas mal.