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révéler tout, la scène de la veille, sa faute et ses pressentiments ; tantôt elle ne voyait plus à quoi aboutirait une pareille démarche ; elle ne pouvait pas espérer du moins qu’elle persuaderait à son mari de se rendre chez Werther. Le couvert était mis ; une amie, qui n’était venue que pour demander quelque chose, voulait s’en retourner… on la retint, elle rendit la conversation supportable pendant le repas ; on se contraignit, on conta, on s’oublia.

Le domestique arriva, avec les pistolets, chez Werther, qui les lui prit avec transport, lorsqu’il apprit que c’était Charlotte qui les avait donnés. Il se fit apporter du pain et du vin, dit au domestique d’aller dîner, et se remit a écrire :

« Ils ont passé par tes mains, tu en as essuyé la poussière ; je les baise mille fois ; tu les as touchés. Ange du ciel, tu favorises ma résolution ! Toi-même, Charlotte, tu me présentes cette arme, toi des mains de qui je désirais recevoir la mort. Ah ! et je la recois en effet de toi ! Oh ! comme j’ai questionné mon domestique ! Tu tremblais en les lui remettant ; tu n’as point dit adieu ! hélas ! hélas ! point d’adieu ! M’aurais-tu fermé ton cœur, à cause de ce moment même qui m’a uni à toi pour l’éternité ? Charlotte, des siècles de siècles n’effaceront pas cette impression, et, je le sens, tu ne saurais haïr celui qui brûle ainsi pour toi. »