Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle désirer qu’il lût dans son âme ? D’un autre côté, pouvait-elle dissimuler avec un homme devant lequel elle avait toujours été franche et transparente comme le cristal, à qui elle n’avait jamais caché et ne voulait jamais cacher aucune de ses affections ? Toutes ces réflexions l’accablèrent de soucis, et la jetèrent dans un cruel embarras. Et toujours ses pensées revenaient à Werther, qui était perdu pour elle, qu’elle ne pouvait abandonner, qu’il fallait pourtant qu’elle abandonnât, et à qui, en la perdant, il ne restait plus rien.

Quoique l’agitation de son esprit ne lut permit pas de s’en rendre compte, elle sentait confusément combien pesait alors sur elle la mésintelligence qui existait entre Albert et Werther. Des hommes si bons, si raisonnables, avaient commencé, pour de secrètes différences de sentiments, à se renfermer tous deux dans un mutuel silence, chacun pensant à son droit et au tort de l’autre ; et l’aigreur s’était tellement accrue peu à peu, qu’il devenait impossible, au moment critique, de défaire le nœud d’où tout dépendait. Si une heureuse confiance les eût rapprochés plus tôt, si l’amitié et, l’indulgence se fussent ranimées et eussent ouvert leurs cœurs à de doux épanchements, peut-être notre malheureux ami eût-il encore été sauvé.

Une circonstance particulière augmentait sa perplexité. Werther, comme on le voit par ses lettres, n’avait jamais fait mystère de son désir de quitter ce monde. Albert l’avait souvent combattu, et il en avait été aussi quelquefois