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« Tout cela est périssable ; mais l’éternité même ne pourra point détruire la vie brûlante dont je jouis hier sur tes lèvres et que je sens en moi ! Elle m’aime ! ce bras l’a pressée ! ces lèvres ont tremblé sur ses lèvres ! cette bouche a balbutié sur la sienne ! Elle est à moi ! Tu es à moi ! oui, Charlotte pour jamais !

« Qu’importe qu’Albert soit ton époux ? Époux !… Ce titre serait donc seulement pour ce monde… Et pour ce monde aussi je commets un péché en l’aimant, en désirant de t’arracher, si je pouvais, de ses bras dans les miens ! Péché ! soit. Eh bien, je m’en punis. Je l’ai savouré, ce péché, dans toutes ses délices célestes ; j’ai aspiré le baume de la vie et versé la force dans mon cœur. De ce moment tu es à moi, à moi, ô Charlotte ! Je pars devant. Je vais rejoindre mon père, ton père ; je me plaindrai à lui ; il me consolera jusqu’à ton arrivée : alors je vole à ta rencontre, je te saisis, et demeure uni à toi en présence de l’Éternel, dans des embrassements qui ne finiront jamais.

« Je ne rêve point, je ne suis point dans le délire ! Près du tombeau, je vois plus clair. Nous serons, nous nous reverrons! Nous verrons ta mère. Je la verrai, je la trouverai. Ah ! j’épancherai devant elle mon cœur tout entier. Ta mère ! ta parfaite image ! »

Vers les onze heures, Werther demanda à son domestique si Albert n’était pas de retour. Le domestique ré