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la nuit silencieuse, ton sein calme comme le lac quand le bruit du vent est apaisé.

« Étroite est maintenant ta demeure, obscur ton tombeau : avec trois pas je mesure ta tombe. O toi qui étais si grand ! quatre pierres couvertes de mousse sont ton seul monument : un arbre effeuillé, l’herbe haute que le vent couche, indiquent à l’œil du chasseur le tombeau du puissant Morar. Tu n’as pas de mère pour te pleurer, pas d’amante qui verse des larmes sur toi. Elle est morte, celle qui te donna le jour ; elle est tombée, la fille de Morglan.

« Quel est ce vieillard appuyé sur son bâton ? qui est-il, cet homme dont la tête est blanche et dont les yeux sont rougis par les larmes ? C’est ton père, ô Morar ! le père d’aucun autre fils. Il entendit souvent parler de ta vaillance, des ennemis tombés sous tes coups ; il entendit la gloire de Morar ! Ah ! pourquoi a-t-il entendu sa chute ? Pleure, père de Morar, pleure ! mais ton fils ne t’entend pas. Le sommeil des morts est profond ; leur oreiller de poussière est creusé bas. Il n’entendra plus jamais ta voix, il ne se réveillera plus à ta voix. Oh ! quand fait-il jour au tombeau, pour dire à celui qui dort : Réveille-toi !

« Adieu, le plus généreux des hommes ! adieu, guerrier fameux ! Jamais plus le champ de bataille ne te verra ; jamais plus la sombre forêt ne brillera de l’éclat de ton acier. Tu n’as laissé aucun fils, mais tes chants conserveront ton nom ; les temps futurs entendront parler de toi, ils connaîtront Morar !