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dans cet instant le changer en un frère, combien elle eût été heureuse ! s’il y avait eu moyen de le marier à une de ses amies ! si elle avait pu aussi espérer de rétablir entièrement la bonne intelligence entre Albert et lui !

Elle passa en revue dans son esprit toutes ses amies : elle trouvait toujours à chacune d’elles quelque défaut, et il n’y en eut aucune qui lui parût digne.

Au milieu de toutes ses réflexions, elle finit par sentir profondément, sans oser se l’avouer, que le désir secret de son âme était de le garder pour elle-même, tout en se répétant qu’elle ne pouvait, qu’elle ne devait pas le garder. Son âme si pure, si belle, et toujours si invulnérable à la tristesse, reçut en ce moment l’empreinte de cette mélancolie qui n’entrevoit plus la perspective du bonheur. Son cœur était oppressé, et un sombre nuage couvrait ses yeux.

Il était six heures et demie lorsqu’elle entendit Werther monter l’escalier ; elle reconnut à l’instant ses pas et sa voix qui la demandait. Comme son cœur battit vivement à son approche et peut-être pour la première fois ! Elle aurait volontiers fait dire qu’elle n’y était pas ; et quand il entra, elle lui cria avec une espèce d’égarement passionné : « Vous ne m’avez pas tenu parole ! — Je n’ai rien promis, » fut sa réponse. — « Au moins auriez-vous dû avoir égard à ma prière ; je vous avais demandé cela pour notre tranquillité commune. »

Elle ne savait que dire ni que faire, quand elle pensa à envoyer inviter deux de ses amies, pour ne pas se trouver