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il faut que l’un de nous trois périsse, et je veux que ce soit moi. O ma chère ! une idée furieuse s’est insinuée dans mon cœur déchiré, souvent… de tuer ton époux… toi… moi !… Ainsi soit-il donc ! Lorsque, sur le soir d’un beau jour d’été, tu graviras la montagne, pense à moi alors, et souviens-toi combien de fois je parcourus cette vallée. Regarde ensuite vers le cimetière, et que ton œil voie comme le vent berce l’herbe sur ma tombe, aux derniers rayons du soleil couchant… J’étais calme en commençant, et maintenant ces images m’affectent avec tant de force que je pleure comme un enfant. »

Sur les dix heures, Werther appela son domestique ; et, en se faisant habiller, il lui dit qu’il allait faire un voyage de quelques jours ; qu’il n’avait qu’à nettoyer ses habits et préparer tout pour faire les malles. Il lui ordonna aussi de demander les mémoires des marchands, de rapporter quelques livres qu’il avait prêtés, et de payer deux mois d’avance à quelques pauvres qui recevaient de lui une aumône chaque semaine.

Il se fit apporter à manger dans sa chambre ; et après qu’il eut dîné, il alla chez le bailli, qu’il ne trouva pas à la maison. Il se promena dans le jardin d’un air pensif : il semblait qu’il voulût rassembler en foule tous les souvenirs capables d’augmenter sa tristesse.

Les enfants ne le laissèrent pas longtemps en repos. Ils coururent à lui en sautant, et lui dirent que quand demain, et encore demain, et puis encore un jour, seraient venus,