Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/241

Cette page n’a pas encore été corrigée

en lui prenant la main, soyez maître de vous ! Que de jouissances vous assurent votre esprit, vos talents, vos connaissances ! Soyez homme, rompez ce fatal attachement pour une créature qui ne peut rien que vous plaindre ! » Il grinça les dents, et la regarda d’un air sombre. Elle prit sa main. « Un seul moment de calme, Werther ! lui dit-elle. Ne sentez-vous pas que vous vous abusez, que vous courez volontairement à votre perte ? Pourquoi faut-il que ce soit moi, Werther ! moi qui appartiens à un autre, précisément moi ! Je crains bien, oui, je crains que ce ne soit cette impossibilité même de m’obtenir qui rende vos désirs si ardents ! » Il retira sa main des siennes, et, la regardant d’un œil fixe et mécontent : « C’est bien, s’écria-t-il, c’est très-bien ! Cette remarque est peut-être d’Albert ? Elle est profonde ! très-profonde ! — Chacun peut la faire, reprit-elle. N’y aurait-il donc, dans le monde entier, aucune femme qui pût remplir les vœux de votre cœur ? Gagnez sur vous de la chercher, et je vous jure que vous la trouverez. Depuis longtemps, pour vous et pour nous, je m’afflige de l’isolement où vous vous renfermez. Prenez sur vous ! Un voyage vous ferait du bien, sans aucun doute. Cherchez un objet digne de votre amour, et revenez alors : nous jouirons tous ensemble de la félicité que donne une amitié sincère.

— On pourrait imprimer cela, dit Werther avec un sourire amer, et le recommander à tous les instituteurs. Ah ! Charlotte, laissez-moi encore quelque répit : tout