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ici, sont les preuves les plus irrécusables de son trouble, de son délire, de ses pénibles tourments, de ses combats, et de son dégoût de la vie.




12 décembre.

« Cher Wilhelm, je suis dans l’état où devaient être ces malheureux qu’on croyait possédés d’un esprit malin. Cela me prend souvent. Ce n’est pas angoisse, ce n’est point désir : c’est une rage intérieure, inconnue, qui menace de déchirer mon sein, qui me serre la gorge, qui me suffoque ! Alors je souffre, je souffre, et je cherche à me fuir, et je m’égare au milieu des scènes nocturnes et terribles qu’offre cette saison ennemie des hommes.

« Hier soir, il me fallut sortir. Le dégel était survenu subitement. J’avais entendu dire que la rivière était débordée, que tous les ruisseaux jusqu’à Wahlheim s’étaient gonflés, et que l’inondation couvrait toute ma chère vallée. J’y courus après onze heures. C’était un terrible spectacle !… Voir de la cime d’un roc, à la clarté de la lune, les torrents rouler sur les champs, les prés, les haies,