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tipliées. Le monde y fait attention, et je sais qu’on en a déjà parlé. » Charlotte ne dit rien. Albert parut avoir senti ce silence : au moins depuis ce temps il ne parla plus de Werther devant elle, et, si elle en parlait, il laissait tomber la conversation, ou la faisait changer de sujet.

La vaine tentative que Werther avait faite pour sauver le malheureux paysan était comme le dernier éclat de la flamme d’une lumière qui s’éteint : il n’en retomba que plus fort dans la douleur et l’abattement. Il eut une sorte de désespoir quand il apprit qu’on l’appellerait peut-être en témoignage contre le coupable, qui maintenant avait recours aux dénégations.

Tout ce qui lui était arrivé de désagréable dans sa vie active, ses chagrins auprès de l’ambassadeur, tous ses projets manqués, tout ce qui l’avait jamais blessé, lui revenait et l’agitait encore. Il se trouvait par tout cela même comme autorisé à l’inactivité ; il se voyait privé de toute perspective, et incapable, pour ainsi dire, de prendre la vie par aucun bout. C’est ainsi que, livré entièrement à ses sombres idées et à sa passion, plongé dans l’éternelle uniformité de ses douloureuses relations avec l’être aimable et adoré dont il troublait le repos, détruisant ses forces sans but, et s’usant sans espérances, il se familiarisait chaque jour avec une affreuse pensée et s’approchait de sa fin.

Quelques lettres qu’il a laissées, et que nous insérons